Avant toute chose, le choix de montrer les capacités infinies de l’accordéon classique, quels que soient les styles, caractérise cet album. De par son histoire récente, l'accordéon apporte un regard neuf sur la tradition de la musique savante. De Bach à Ginastera, en passant par Mussorgsky, il s’approprie des œuvres clés de l’Histoire de la Musique pour en proposer une version accordéonistique, comme un violoncelliste le ferait en s’aventurant dans le répertoire pour viole de gambe, ou un guitariste dans le répertoire pour orgue. J'intègre donc à cet album mes propres arrangements et transcriptions de répertoires originaux des instruments à clavier : deux pièces pour orgue et deux pièces pour piano. Ce travail me replace dans cette tradition propre à l’accordéon depuis les 90 dernières années : piocher dans le répertoire des autres instruments tout s'investissant dans une dynamique de création de pièces originales. J’ai également souhaité aborder ce dernier aspect, avec une pièce de Vyatcheslav Semionov écrite en 2013 et une composition personnelle écrite en 2021.

La transcendance technique qui peut caractériser cet album n’est pas sans évoquer une réflexion sur le monde qui nous entoure. Dans un monde dans lequel tout s’accélère, tout se vend et tout s’achète, la performance technique prend une place démesurée. Moi-même je reconnais avoir été influencé par cette dynamique dans le processus même de la composition de ma première pièce Mechanics, dont le rythme effréné des 4 mouvements renvoie à la cadence accélérée de ma vie de jeune artiste. Je suis convaincu que ce monde-là perd de sa substance par le déclin des valeurs humanistes. Ainsi lors de la conception du programme de cet album, j’ai choisi d’intégrer des pièces traversées par ces valeurs, par un attachement à la communauté et à l’universel. La Fantasia et Fugue de Bach pour la relation à l’Homme et à Dieu, la Sonata No 3 de Semionov pour l’amour entre les hommes et les peuples, les Tableaux d’une Exposition et la Sonate No 1 pour piano de Ginastera pour le souvenir de la tradition, et l’Adagio de la Sonata No 4 pour orgue de Bach pour le sentiment d’appartenance à un tout. J’espère qu’à l’écoute de cet album, chacun sera sensible à ce message d’espoir.